jeudi 27 avril 2017

Maison, que de secrets tu abrites! Abigail Seran les dévoile...

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Le site de l'auteure, celui de l'éditeur - merci pour l'envoi.

"Elle replia la robe une dernière fois." C'est la première phrase d'un prologue mystérieux et intrigant, pensé comme un gros plan, trop gros pour qu'on comprenne vraiment de quoi il s'agit. Il n'en faut pas plus pour pousser le lecteur à tourner les pages! C'est ainsi que débute "Jardin d'été", le quatrième livre de l'écrivaine suisse Abigail Seran. Un roman qui tourne autour d'une maison, comme c'était déjà le cas pour "Une maison jaune". Mais l'approche est fort différente...

L'histoire de "Jardin d'été" d'été est assez classique, portée qu'elle est par de lourds secrets de famille qui finissent par se faire jour par hasard, obligeant les personnes concernées à tomber les masques. Le style est lisse. Mais l'auteure a le chic pour glisser, dès les premières pages de son roman, des indices qui montrent que derrière les sourires convenus qu'on s'échange en famille, tout n'est pas rose.

Si l'on observe bien, en effet, les éléments dérangeants ne manquent pas dans cette famille, qui s'étend sur trois générations: une grand-mère, Elé, qui n'est pas mariée à Charles mais dont on retrouve l'alliance, les enfants et beaux-enfants qui ne se parlent guère, et les petits-enfants: Iris, fille unique d'Agathe, qui doit trouver sa place entre June et John, les jumeaux, chaque été. A cela vient s'ajouter Marcel, le fils des voisins, qui doit aussi trouver sa place. Tout est là pour cristalliser plus d'une tension.

Fort justement, la romancière met l'accent sur les interactions entre les personnages, bien vues et ressenties. En particulier, envoyer les enfants jouer avec de vieux habits pour faire du théâtre est original - et ouvre astucieusement des portes à l'intrigue, tout en montrant des grands-parents qui savent y faire avec leurs petits-enfants, qui peuvent parfois être un peu lourds même si on les adore.

Mais dès qu'il est question de famille, les éclats sont inévitables aussi, et ils ne manquent pas dans "Jardin d'été". Le soleil cogne sur les têtes, comme l'alcool parfois, permettant de faire sortir quelques vérités, de manière pas toujours agréable ou adroite, à l'instar de ce que son frère dit à Agathe, fille surprotégée de ses parents selon lui, et qui elle-même craint pour ses enfants.

Outre les humains, la romancière donne aussi un véritable rôle à la demeure dans laquelle vivent Elé et Charles. Chaque pièce a son vécu, chaque personnage y a trouvé sa place, à l'image d'Elé qui s'est trouvé un lieu pour en faire un atelier de poterie. Cela, sans oublier la piscine, où se joue plus d'un élément de l'intrigue. Face à ce bâtiment, chacun se positionne, entre attraction et répulsion, aussi parce qu'il signifie la perte d'un logis à Paris, voulue par un couple de grands-parents avides de tourner certaines pages.

Cette demeure se trouve en Bourgogne, un décor qui paraît un peu interchangeable dans "Jardin d'été": l'histoire aurait pu se produire partout ailleurs, et l'auteure n'insiste guère sur la couleur locale ou les bons vins - il est permis de le regretter. La romancière promène toutefois aussi ses personnages entre Londres et Paris, une ville dont elle rappelle avec bonheur qu'elle est une fête, à travers le personnage de Werner.

Dernier joli coup, enfin: dans "Jardin d'été", ce sont les enfants qui font jaillir la vérité. Brutes, sans fard, leurs questions naïves poussent les adultes à parler du passé. Certes, ce sont eux qui jouent un théâtre dans ce roman; mais ce sont eux aussi qui poussent chacune et chacun à tomber les masques. Pour le meilleur, on s'en doute...

Abigail Seran, Jardin d'été, Avin, Luce Wilquin, 2017.

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